Rouge Basque à Espelette

Rouge Basque à Espelette

Il y a deux choses que j’aime plus que tout dans mon métier. La première c’est de me retrouver devant la page blanche de la recette à composer, de l’histoire à raconter - sûrement une réminiscence d’un lointain passé dans la presse - La seconde c’est la notion de collaboration, cette formidable émulation compagnonne que l’on trouve dans le mouvement « craft » et qui amène les professionnels à échanger, s’enrichir, se sublimer parfois, autour d’un projet commun : la conception d’une bonne bière éphémère.

Au départ il y a toujours une rencontre. Elle est d’autant plus belle qu’elle se fait dans une région chère à mon cœur. Une région aussi âpre que ma Bretagne natale, une région où les caractères sont aussi trempés que nos bottes, une région qui a tout pour plaire : ses vagues, ses montagnes, ses rondes croupes d’un vert tendre, ses averses soudaines, sa gastronomie aux saveurs brutes, sa douceur de vivre et son incroyable terroir à cheval entre deux pays qui se marient ici pour le meilleur.

A Espelette, village de carte postale, sur les contreforts verdoyants des Pyrénées, la ferme Aguerria produit du piment (en AOP), des fruits et légumes, du miel et, plus récemment, de la bière. Au sein du groupement familial, symbolisé par cette magnifique Etche construite en 1670, on trouve désormais la Brasserie Bipil (traduisez “vif, entreprenant” du basque Bipper = “piment”). Nicolas Maggiorani y brasse des ales à l’accent local depuis l’été 2018.

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Rouge Irouléguy

Donc, Nicolas m’appelle un jour en me disant « j’ai récupéré une barrique de 300 litres qui a vu du rouge d’Irouléguy, j’ai envie de faire un truc de terroir, ça te branche de réfléchir avec moi ? ».

A ce stade il faut sûrement en dire plus car avec ses quelques 232 hectares seulement l’AOC Irouléguy est le plus petit vignoble français. De petit à anecdotique il n’y a donc qu’un pas et il est ainsi assez rare d’en trouver mais sachez que cela vaut l’essai, notamment si la famille Berrouet y a mis le bout de son nez. On y produit du rouge, du blanc et du rosé.

Les rouges sont des vins vifs, puissants et tanniques qui supportent donc bien l’élevage en fûts. Construit autour de trois cépages, le tannat, le cabernet franc et le cabernet sauvignon (dans une moindre mesure), le profil aromatique est à mi-chemin entre les épices et les fruits rouges/noirs.

Or composer avec le terroir c’est un peu comme jouer aux dominos… Une idée en amène une autre qui la complète et crée l’ouverture en cadrage débordement de la précédente… au point que… Allez, allez, les bleus et blancs de l’Aviron Bayonnais… au point donc, sans digression cette fois, que du fruit noir et épicé typique des vins rouges d’Irouléguy on est bien vite à un domino de sortir du béret la fameuse cerise noire dont on fait ici les confitures.

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Rouge cerise

La cerise du pays basque c’est ce fruit bien mûr avec du sucre certes mais aussi de l’acidité, un peu d’astringence (à proximité du noyau) en balance parfaite sur le gras onctueux d’une tomme de brebis bien affinée. Elle joue également un parfait rôle d’équilibre sur le combo généreux sucre et beurre du gâteau basque. Je sors ici un nouveau domino.

Donc troisième atout “terroir” : le gâteau basque. Et pour ceux qui n’ont pas la chance de connaître le coin je vais donner une adresse parce que c’est fête - enfin non c’est confinement, mais après ce sera la fête - alors notez bien et sentez naître la polémique qui va suivre : le meilleur gâteau basque du monde c’est celui du Moulin de Bassilour à Bidart !

Une croûte caramélisée, un blé qui est d’autant meilleur qu’il est grossièrement concassé, du sucre, de la générosité… de la confiture de cerise noire… J’ai presque l’impression d’être dans l’équipe marketing d’Omnipollo (créateurs de bières pâtissières) ou dans une émission de Cyril Lignac.

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La trinité selon Bipil

En trois dominos et un peu de suite dans les idées nous avions donc notre recette de terroir :

1- Gâteau basque : une base de bière forte, ronde avec beaucoup de matière, des touches biscuitées, des caramels de cuisson, des sucres résiduels…

2- Cerise noire : une adjonction de fruits en fin de fermentation afin d’équilibrer la matière maltée en apportant de la fraîcheur, de l’acidité et de la couleur…

3- Maturation en barrique d’Irouléguy : donner de la structure, du caractère à cette bière forte (autour de 9%), capter les flaveurs d’épices, de fruits noirs, un peu d’âpreté boisée, un supplément d’âme proche de ses racines…

La bière a ainsi été brassée le 30 mars dernier et elle confine en barrique depuis le 20 avril. Elle sera disponible dès qu’on la jugera prête… à suivre donc sur le shop en ligne de la brasserie Bipil. (Attention : série limitée de 300 litres seulement !)


Brasserie Bipil - Kaminoko Paterria - Ferme Aguerria - 64250 Espelette
contact@brasserie-bipil.com / +33 7 52 02 06 55
web / instagram / facebook

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