Corse : « Tu vuò fà l’americano »
A l’heure de la Covid et de son tourisme de masques, on nous incite, cet été, à redécouvrir la France, cher pays de notre enfance - adieu tendre insouciance - Pourtant, les plus rebelles d’entre nous, ceux qui s’obstinent à vouloir partir à l’étranger, ont encore une option : la Corse ! Et d’autant plus si cette Corse nous parle d’horizons lointains, la Corse d’un cap, tel un doigt levé, qui ne demande qu’à prendre la parole pour nous raconter l’histoire des ancêtres partis faire fortune aux Amériques… Des aventures qui se racontent, entre amis, autour d’un verre de bière, du Domaine Brassicole Palazzu !
Brestois métissé sauce tomates (de Sicile – c’est important les AOP !) j’ai toujours eu le centre de gravité au-dessus de la Méditerranée sans pour autant y avoir fait beaucoup escale. Je me rappelle un séjour estival sur les côtes varoises, un pèlerinage pour remonter l’histoire familiale d’un épisode toulonnais sponsorisé par la Marine Nationale. C’était en 1982. Des vacances Biafine© sur fond de demie finale France-RFA… les dents de Battiston et le premier rap français en tête des charts.
Tout cela, sans trop de digressions, pour dire que je n’avais jamais mis un pied en Corse jusqu’à ce beau jour de juillet 2019 quand j’ai atterri à Bastia pour rencontrer Paul et Florent, porteurs d’un projet où il est aussi question d’ancrage, de racines, de bateaux et d’horizons lointains.
Les Maisons d’Américains
Copyright Photo : www.palazzu-nicrosi.com
Paul Saladini et Florent Vivarelli sont copains d’enfance. Le premier est avocat et gère des biens. Le second s’occupe du développement commercial de la SODISCO une entreprise familiale qui distribue des vins, spiritueux et Champagnes. Ça fait un moment que ces deux-là ont envie de créer un business ensemble et il se trouve que le dynamisme du marché brassicole ne passe pas sous leurs radars de fins palais.
Et de palais il est question à plus d’un titre car Paul est propriétaire du Palazzu Nicrosi, à Rogliano. Cette demeure, édifiée en 1877, est ce que l’on appelle une maison d’américain, une de ces somptueuses villas endémiques du Cap Corse et bâties à la fin du 19ème siècle par des insulaires partis faire affaires aux Etats-Unis.
Dans la famille Nicrosi-Saladini, l’aïeul a fait fortune en Alabama. Lui succèdent Paul et son épouse qui exploitent à la belle saison des chambres d’hôtes d’exception afin de financer l’entretien de la demeure et de perpétuer un héritage qui nous parle d’ailleurs, de prise de risque et de réussite.
Terroirs & Styles
Des bières de tous les jours, simples mais bien travaillées…
Faire vivre cette Corse des Amériques, voilà le défi que se donnent alors les deux amis passionnés à la fois par le voyage et par leur île. De cette ligne directrice forte émerge une gamme de bières de styles (Summer Ale, Wheat Ale, Golden Ale, California Common…) avec des houblons emblématiques (Cascade, Mosaic, Simcoe, Ekuanot, Hallertau blanc…) auxquels se mêlent des saveurs corses (les agrumes, le miel de châtaigne, la fleur d’immortelle…).
L’idée c’est d’abord de faire une gamme qui soit à la fois lisible pour un amateur et intelligible pour un néophyte. Des bières de tous les jours, simples mais bien travaillées et marquées par leur identité corse sans en faire trop, car la Corse n’est pas une terre de tradition brassicole mais viticole.
D’ailleurs, pour les dégustateurs les plus avertis, à l’initiative de Florent, grand amateur de vins, une gamme qui rend hommage aux cépages locaux (Muscat du Cap Corse, Vermentino, Sciacarello…) est amenée à se développer pour accompagner sur table des plats traditionnels ou de saison.
Premier round estival
De gauche à droite : Thibaut Real, Florent Vivarelli, Paul Saladini
Juillet 2020 – 4 bières de la gamme sont déjà commercialisées sur l’île, seulement un an après le démarrage du projet et cela malgré un lancement de production en plein confinement. Des délais qui n’auraient pu être tenus sans le professionnalisme des fournisseurs et l’esprit d’équipe.
On peut notamment parler de la pugnacité des deux fondateurs et de l’énergie de l’opérateur de brasserie, Thibaut Real, qui mouille le maillot pour ne pas passer à côté de la saison. Mais il est aussi question de tempérament, de débrouille et d’entraide sur une île fortement impactée par les ralentissements logistiques en période de crise.
Dans sa configuration actuelle la brasserie a une capacité maximale annuelle de 800hl. Elle est dotée d’un système de conditionnement (2000 bouteilles/h), de 6 tanks cylindro-coniques isobares de 10hl, d’un système de thermorégulation efficace et de suffisamment de place pour asseoir son développement dans les prochaines années.
Elle bénéficie, qui plus est, d’un sérieux atout : le savoir-faire, la logistique, la connaissance du marché et la force de vente de la SODISCO.
On leur souhaite tout le succès qu’ils méritent !
