Glasswort : La Grosse Collab

Glasswort : La Grosse Collab

C’est l’histoire d’une bière acide avec une grosse pincée de sel de Béarn, de la salicorne de Charente-Maritime, un peu de houblon et beaucoup de bonne humeur.  C’est aussi l’histoire de 4 brasseurs. Enfin, il y en avait surtout 3… le 4ième donne des conseils - tu devrais faire ceci, tu devrais faire cela – bref, le mec énervant. Le résultat c’est une très jolie Gose aux goûts de bords de plage et de plateaux de fruits de mer.

Tout est parti de l’envie d’essayer la levure Philly, une des petites dernières du catalogue Lallemand. Il planait aussi sur le monde des brasseurs indépendants comme une odeur de tous ensemble… alors que les consignes du Ministère de la Santé c’était plutôt “chacun chez soi”. A part que non, c’était l’été, donc la consigne du jour c’était « Vacances en France. Après le CHU, sauvons le CHR ! ».

Cette Gose a donc été brassée début août chez In’Oc (65) en présence de LaPC (79) et de Bipil (64). Le mec énervant (33) il était déjà parti en vacances, pour sauver l’économie. Et comme il faut bien que je serve quand même à quelque chose, j’explique ici un peu l’histoire.

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Le pitch c’est sans le Pitch, “capish” ?

Damien, Nico et Fred en action

Le pitch d’un brassage de bière acide (en mode “clean”) c’est souvent, pour des raisons sanitaires et pratiques, l’utilisation d’un Sour Pitch. Entendons : l’empâtage/saccharification, la filtration, une brève stérilisation et le refroidissement puis le maintien du moût à une température de 35/45°C. Ensuite viens l’incorporation de bactéries lactiques (sélectionnées et en nombre suffisant = un pitch) qui vont se développer, grignoter des sucres et acidifier le moût en produisant de l’acide lactique (aigre comme un yaourt = sour). Une fois l’objectif de PH atteint on bloque l’activité des bactéries par une ébullition longue (stérilisation) puis on refroidit à nouveau et on repart sur une fermentation “classique” avec la souche de levure de bière de son choix. C’est la méthode dite du « Sour Kettle ». Cette méthode est très efficace. Elle permet de choisir le profil organoleptique de sa bière (houblonnage, levure), d’affiner sur fruits également… bref, ça marche très bien ! Cependant, l’inconvénient c’est que le processus est un peu long et contraignant (pour une méthode dite “clean”).

Avec la nouvelle levure en question plus besoin de passer par cette phase de « sour kettle ». La levure Philly, de type « Lachancea », produit de l’éthanol et de l’acide lactique en consommant essentiellement les sucres simples contenus dans le moût. Elle permet ainsi à la fois d’assurer la fermentation alcoolique et simultanément de faire descendre le PH autour de 3.2/3.5 (selon les données du fabricant). Autres avantages (ou pas) : la levure a un profil aromatique fruité très aguichant (pomme rouge, fruits tropicaux, agrumes) et elle est résistante aux houblons. Un clin d’œil à ceux qui savent qu’entre bactéries lactiques et houblons ce n’est pas le grand amour (en mode “not clean”).

Attention cependant, un PH de 3.2 pour une bière ça claque, à moins d’avoir envie de nettoyer les vitres avec. Donc le conseil c’est d’aller chercher des sucres résiduels à la saccharification. Trop de sucres simples = trop d’acidité. CQDF.

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Glass quoi déjà ?

De la salicorne de Charente-Maritime

Alors, comme on avait décidé d’appeler notre bière Glasswort et pas Glassex®, on a travaillé la saccharification autour de 70°C… et on est descendu tout de même à 3.4 de PH ! Mais l’acidité est ici équilibrée par le sel (le chlorure arrondit les angles). Pour le houblon on a choisi du Saaz, pour son profil herbacé. Mais surtout, et c’est ce qui fait l’histoire, on a ajouté une jolie quantité de salicorne en fin de fermentation primaire (j’en connais un qui s’en rappelle bien de l’adjonction de salicorne en cuve… mais c’est une autre affaire !).

L’idée de la salicorne dans la bière c’est d’abord une idée de saison, car on ne cultive pas la salicorne toute l’année, mais c’est aussi le souvenir d’une excellente bière collaborative entre la brasserie croate The Garden Brewery et la brasserie britannique Magic Rock. Cette recette d’abord goûtée à Londres en 2017 puis à Bordeaux en 2019 reste vraiment un excellent souvenir. La référence c’est « Samphire Sour ». On en trouve encore régulièrement chez tous les bons cavistes car elle est brassée tous les ans. C’est Craft Beer France qui distribue.

Autre chose concernant la salicorne ; la langue anglaise lui donne deux noms : Samphire ou Glasswort. Glasswort signifiant littéralement « herbe à verre ». Car la salicorne permet de produire de la soude végétale et que cette soude servait naguère au travail des artisans verriers. Un clin d’œil également aux artisans brasseurs car aujourd’hui le terme « Wort » n’est plus utilisé en anglais que pour désigner le moût (de bière notamment).

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Copains, pâté, fromage par ordre d’apparition

Un seul ne retournera jamais sa veste !

Les bases étant données et l’étymologie décortiquée, il semblerait que le brassage se soit passé dans une belle allégresse stimulée par quelques quilles et autres produits locaux des montagnes.

Les protagonistes de ce concours de tee-shirt floqués, on en connaît déjà deux sur ce blog : Fred Mousson de la brasserie LaPc à Fors (79) et Nicolas Maggiorani de la brasserie Bipil à Espelette (64). Quant à l’hôte de cette grosse collab, on n’a pas encore eu l’occasion d’en parler longuement dans ces pages mais ça ne saurait tarder. Il s’agit de Damien Bourreau de la Brasserie In’Oc à Trie-Sur-Baïse (65). Un jeune brasseur talentueux qui commence à se faire connaître en Midi-Pyrénées. N’oublions pas pour autant l’étiquette sans laquelle cette bière serait beaucoup moins présentable. Elle est signée Christine Marchand (LaPc).

La bière sera bientôt disponible dans chacune de ces trois brasseries, en quantité très limitée et très attendue. Pour les plus patients, surtout les moins rapides, elle sera vraisemblablement rééditée par les trois brasseurs à l’été 2021.


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