Bordeaux - Azimut, first in can!

Bordeaux - Azimut, first in can!

Depuis quelques mois, la Brasserie Azimut décline une partie de sa gamme en canettes. A Bordeaux elle est le première à avoir passé le pas et fait le choix technique et commercial d’un conditionnement qui fait des débuts timides en France - En 2016, quand nous planchions sur le projet avec Paul nous avons pensé à la canette. Nous nous sommes dit que c’était “très cool” mais “suicidaire” alors nous avons fait le choix de sortir nos premières bières en bouteilles - Vincent Morin nous explique les raisons de ce changement de cap, à peine 3 ans plus tard, et nous livre sa vision du marché et de la bière en général.

Les premières bières sortent donc de la ligne d’embouteillage en février 2017. Aujourd’hui pourtant, avec au compteur un peu plus de 60 recettes différentes et près de 1.800hl de production annuelle, Azimut fait déjà partie des brasseries craft françaises les plus en vues. Une ascension fulgurante ! De l’insolent succès de la Blanche Lime Basilic (ou comment asseoir le néophyte et le ‘beer snob’ à la même table autour d’une pinte de blanche) à leurs fameuses DDH (Double Dry Hopping) en tous genres (et styles) en passant par des Sour Ales aux fruits (bières acides fermentées sur fruits) et des bières mûries en barriques, les gammes s’étirent et se jouent très simplement mais sans jamais tomber dans la facilité.

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Plus de 60 recettes en moins de 3 ans !

“Explore” en sous-titre de toutes ces créations

Aux manettes de cette aventure exploratoire on ne trouve pas une hydre à deux têtes mais bien deux têtes hydrophobes : Paul et Vincent. Et ces deux là, pour bien les connaître, ne sont pas du genre prise de tête mais plutôt très ouverts, sacrément fun et résolument engagés dans leur sacerdoce brassicole.

Vincent est québécois, c’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup (désolé, je ne me suis toujours pas remis de la défaite de dimanche). Vincent est ce genre de type toujours d’humeur égale, qui aime partager son expérience et quelques bières sans jamais se prendre au sérieux. Il est le prototype du bon pote avec qui on est sûr de passer un bon moment. Il a une vision très nette de ce qu’il veut produire et de son rôle en tant que brasseur artisan. C’est donc avec plaisir que j’ai recueilli ses propos. En plus, comme il savait que je venais, il avait mis son plus beau sweater ! (Xo Xo)

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“On fait du geek grand public !”

Vincent Morin, co-fondateur de la Brasserie Azimut

Votre signature (devise) c’est “Explore”, c’est quoi au juste le style Azimut ?

VM : “Faire de la bière à boire, de la bière qui donne envie d’en reprendre une autre. Des bières simples, accessibles mais sans concessions. C’est à dire que l’on produit avant tout des bières que l’on aiment mais en s’adressant à tout le monde. Par exemple on ne fait pas de bières fortes - on n’est jamais allé au-dessus de 8% - tout simplement parce que ce n’est pas notre truc… Si tu veux boire un Russian Imperial Stout ou un Barley Wine ce ne sera pas chez nous. On a deux lignes directrices pour définir nos recettes : ‘une idée, une bière’ et ‘less is more’. Créativité et simplicité. On veut se laisser l’opportunité d’être créatifs comme un cuisinier peut l’être, selon l’envie du moment et ce qu’il a trouvé sur le marché… En définitive, la meilleure formule pour résumer notre état d’esprit c’est un de nos distributeurs qui l’a trouvée : ‘vous faites de la bière geek grand public’… ça colle pas mal !”

“On fait de la bière à boire”
— Vincent Morin - Octobre 2019

Et sur l’étiquette vous racontez quoi à vos clients ?

VM : “D’emblée on a pris le parti de ne pas donner de noms à nos bières mais de les identifier par leur style - Sour Ale, IPA, Pils, Stout… - en donnant un maximum de détails sur les matières premières, notamment les houblons… Tout le travail pédagogique que le monde du vin a produit, bien avant nous, en insistant sur les appellations, les cépages, les terroirs pour que le consommateur aille au-delà du fait qu’un rouge est rouge, nous, les brasseurs artisans, nous avons à le faire à notre tour pour que le consommateur s’éduque et sache ce qu’il boit. Nous même, quand on achète une bière, on trouve pénible de ne pas savoir ce que l’on boit. Alors nous nous devons faire ce travail pour nos clients. Ensuite on décline sur l’étiquette différents univers d’exploration : les océans pour notre gamme permanente, les tropiques c’est pour les sour aux fruits, la montagne pour nos réinterprétations de styles existants, les pôles pour nos bières en barriques et l’espace pour nos ovnis…”

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La canette offre un support étendu de communication

sans surcoût par rapport à la bouteille traditionnelle

Qu’est-ce qui a motivé ce choix de produire en canettes ? Avoir plus de place sur l’étiquette pour communiquer avec vos clients ?

VM : “En tant que Nord Américain les premières bières que j’ai consommé étaient en canettes… Je ne dis pas que, quand j’avais 18 ans, c’était de la grande bière mais c’était plus léger dans le sac à dos, plus rapide à refroidir… bref on buvait des canettes, c’était culturel ! Ensuite la révolution ‘craft’ est arrivée et la bonne bière avec… d’abord en bouteilles, aux USA et au Canada, puis progressivement en canettes. J’ai eu cette chance de grandir en même temps que la bière grandissait dans mon pays et de vivre cette (r)évolution… Aujourd’hui l’Europe vit la même chose… Regarde, quasiment toutes les brasseries étrangères qu’on adore sortent des produits en canettes…”

En France, on dirait que ça a plus de mal à prendre, pourquoi selon toi ?

VM : “Déjà parce qu’avant, et c’était il n’y a pas si longtemps, la canette était synonyme de bière industrielle et donc de mauvaise bière… la 8.6 en tête… Ensuite parce que je pense qu’en France on est un peu conservateur en ce qui concerne le packaging des boissons. Prends le Parallèle 45, le Côtes du Rhône de chez Jaboulet Ainé… et bien au Québec il est vendu avec des ‘screw caps’… en France c’est avec un bouchon et pourtant ce n’est pas un vin de garde, on est d’accord ? (on est d’accord !). C’est donc encore une question de pédagogie… à nous de faire comprendre que la canette ce n’est pas ‘cheap’ !”

Quels sont les avantages techniques à utiliser de la canette ?

VM : “Notre ligne d’embouteillage ne nous permet pas de conditionner autrement qu’à plat (sans bulles) avec un resucrage pour la refermentation en bouteilles (une liqueur, comme pour les Champagnes)… Et sur certaines bières bien houblonnées (des éphémères) on a eu des problèmes d’oxydation. Donc travailler en isobare (entendez produire de la bière déjà gazeuse et prête à boire au sortir d’une cuve de fermentation isobarométrique) et préserver en canettes nos bières les plus sensibles à l’oxygène c’était déjà une première motivation. Ensuite il y a cette surface de communication dont on a déjà parlé mais surtout le poids du produit fini ! Le métier de brasseur inclus beaucoup de manutention… celui de nos distributeurs et revendeurs aussi. A volumes équivalents le carton de canettes est plus compact et pèse 8 kg contre 14 kg en bouteilles ! Pense que dans une bouteille de 33 cl il y a l’équivalent de 80 grammes de malt et 200 grammes de bouteille !”

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Un carton de 24 plus compact et plus léger

8 kg à gauche contre 14 kg à droite

Et les avantages commerciaux ?

VM : “Nous avons fait le choix de vendre en GMS… notamment parce que ça nous fait suer de voir se vendre en grandes surfaces des IPA qui viennent de Californie, de Brooklyn ou même de Londres… mais pas du coin. C’est un choix que nous ne partageons pas avec tout le monde dans le métier mais c’est le notre. Maintenant on a besoin de dissocier les gammes pour ne pas nuire aux revendeurs spécialisés (cavistes, épiceries…) qui nous ont fait confiance au début et qui continuent de le faire. Ce sont, pour la plupart, des gens comme nous, qui ont pris de gros risques et qui partagent notre passion pour la bière artisanale. Comme on ne veut pas juste changer les étiquettes sur nos bouteilles selon les marchés qu’on adresse on a décidé de passer nos bières éphémères en canettes et de les réserver aux revendeurs spécialisés. Donc pas de canettes en GMS !”

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Léger oui, mais quel impact pour l’environnement ?

Quand on court après la place, le stockage en hauteur c’est pain béni !

Que des avantages donc, mais l’inconvénient ne serait-il pas écologique ?

VM : “C’est effectivement un peu le débat. Je n’en maîtrise pas tous les aspects mais je sais que le verre est très bien recyclé en France… 80% des bouteilles le sont ! C’est une habitude bien ancrée dans les mentalités : on trie le verre. Je crois savoir que l’aluminium se recycle aussi très bien et a des températures de fusion beaucoup moins haute - je crois que c’est autour de 1300°C pour le verre et que c’est deux fois moins pour l’aluminium - mais que la filière de recyclage est moins évidente déjà parce que les Français ont moins l’habitude de trier les canettes. Donc c’est encore une question de pédagogie… tant qu’on jettera les canettes au milieu des autres déchets on ne s’en sortira pas.”

Question budget et cadences de production ?

VM : “En tout, si l’on compte la machine, la mise aux normes des fermenteurs et le matériel de mesure, le projet nous a coûté autour de 100K€… au final beaucoup moins cher que si on avait dû passer notre ligne d’embouteillage en isobare (pour embouteiller de la bière déjà saturée en CO2). On a donc gardé notre ancienne ligne et notre prochain investissement sera certainement une centrifugeuse… Niveau cadence la machine est donnée pour un maximum de 1400 canettes/heure… au-dessus, de toute façon, c’est humainement difficile de tenir le rythme.”

Quel est votre prochain projet/objectif ?

VM : “Ouvrir un taproom… et essayer de mettre de la craft beer à la pression partout où il n’y en a pas !”

Propos recueillis à Bordeaux le 25.10.2019

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